Les sorcières et leur chasse en Occident

Actuellement historien au Centre de recherche historique de l’EHESS, et spécialiste de la représentation des sorcières à la fin du Moyen Âge, Maxime Perbellini a expliqué qu’il y a un « grand débat sur l’origine et l’étymologie » du mot sorcière.

« Mais la première mention (du mot sorcière, ndb) en français apparaît au milieu du XIe siècle, dans le Roman d’Éneas (1060). Avant l’an 1000, sous les Carolingiens, on qualifie ces femmes, qui manipulent des herbes et que l’on soupçonne d’ensorceler, d’herbariae, de sortiariae, de fascinatrices, d’enchanteresses, de stryges ou de femmes maléfiques. Le paysage lexicographique de la sorcière est riche. Dans les faits, dès la loi salique des Francs, vers 500, jusqu’à Charlemagne et divers conciles, il y aura amalgame entre magie, sorcellerie et paganisme ».

L’image des sorcières, représentées chevauchant des balais, est apparue sans raison. Il s’agit selon l’historien d’un « grand mystère, qui donne toujours lieu à d’âpres discussions ! Mais ces chevauchées nocturnes, d’abord effectuées sur des bêtes — souvent des boucs — puis plus tard sur des balais, étaient décrites comme servant à rejoindre des puissances païennes. La première mention de ces vols se trouve dans le Corrector sive Medicus, rédigé en 1095 par l’évêque allemand Burchard de Worms ».

Dans une interview accordée à Sciences et Avenirs, en 2015, Maxime Perbellini a indiqué que « dans un journal écrit vers 1392, le Ménagier de Paris, il est aussi écrit que les femmes refusent de dormir avec des balais dans leurs chambres, de peur qu’on les prenne pour des sorcières. Cette femme qui s’envole pour le sabbat n’est pourtant qu’un visage de la sorcière« .

Concernant « la notion du sabba« , il y a aussi « un débat historiographique. C’est dans l’arc alpin, et en particulier dans le canton de Vaud, en Suisse, qu’il sera question des premiers sabbats entre 1430 et 1440. Au XVe siècle, l’adjectif “sabbat” désigne des “réunions nocturnes de sorciers” qui se retrouvent au cœur de la nuit, dans des landes désertes ou des forêts pour participer à des cérémonies et des orgies rituelles ».

Goya, Le Sabbat des Sorcières, huile sur toile, 1798. Cliquez sur l’image pour en savoir plus sur elle

Il a aussi expliqué les raisons de l’éradication de la sorcellerie par l’Eglise au cours du XIIIe siècle :

« au milieu du XIIIe siècle, le statut du sorcier est passé sous l’influence du diable, faisant naître la notion d’hérétique : celui qui refuse la grâce de Dieu, offrant son action à Satan, ira brûler dans le feu éternel de l’enfer. Ce Factum hereticale a été créé par l’Église sous l’impulsion de différents papes tels que Clément V, ou Jean XXII. Et ce qui jusqu’alors était l’apanage des évêques va passer, via une série de bulles papales, dans les mains de l’Inquisition. Sorciers et sorcières sont les cibles de cette chasse aux hérétiques ».

Le nombre de victimes des « chasses aux sorcières » était entre 1300 et 1420 avec la sorcellerie comme chef d’accusation, au cours des 5 à 10 procès par an, selon la chronologie proposée par l’historien américain Richard Kieckhefer.

« Puis on passe à 40 procès par an jusqu’en 1500. La tendance ne cessera plus d’augmenter : quelque 30 000 procès aboutiront à un taux très élevé de condamnations à mort entre le XVIe et le XVIIe siècle, notamment dans le Saint Empire, en France et en Suisse« , a expliqué Maxime Perbellini.

Füssli, Les 3 sorcières, huile sur toile, 1782. Cliquez pour en savoir plus

Dès le XIIème siècle, au cours de la « chasse aux sorcières » 70% à 80% des accusations concernent des femmes, pour qui dans 60% des cas le verdict a été le bûcher.En Suisse, 5000 condamnations à mort ont été prononcées sur 8000 procès entre le XVe et le XVIIIe siècle.

Dans les îles Britanniques, il y a eu entre 1500 et 2500 condamnations à mort sur 5000 procès. En Scandinavie (Danemark, Norvège, Suède et Finlande), entre 1500 et 1800 personnes ont été des victimes sur 5000 procès.

Le plus bas taux de condamnations se trouve en Europe méridionale. Entre 1580 et 1650, en Espagne, sur 3500 procès, il n’y aurait eu que très peu de condamnations à mort. Les bûchers ont début vers 730, « la Lex Alamannorum relate la condamnation de personnes qui auraient jeté des striae ou herbariae (sorcières ou herboristes) dans les flammes« .

« De même, en 789 un cartulaire de Charlemagne stipule qu’il est interdit de brûler ou de dévorer le cadavre des personnes accusées d’être sorcière, etc. Toutes ces mentions sont très précoces. La dernière sorcière brûlée sera Anna Gödlin, exécutée en Suisse en juin 1782« , a précisé l’historien.

En France, en 1824, « une femme accusée de sorcellerie fut partiellement brûlée par des paysans dans la commune de Bournel (Lot-et-Garonne), alors qu’en 1856, une autre fut jetée dans un four, à Camalès, dans les Hautes-Pyrénées…« , a expliqué l’historien.

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