La réalité ancestrale des camps de sorcières

Dans certains pays africains, comme le Ghana ou la Zambie, les personnes accusées de sorcellerie sont chassées de chez elles et vivent dans des zones isolées, appelées camps de sorcières.

Bannies par mesure de «sécurité», la majorité d’entre elles sont des femmes âgées. Certains médias ont relayé l’histoire d’Adisa Inifa, a été obligé d’y vivre pendant 30 ans : «Ils nous ont dégagées de nos villages sans raison. Ils ont proclamé que nous étions des sorcières, mais nous ne savons pas quel crime nous avons commis».  

De nombreuses raisons sont invoquées pour enfermer ces femmes :

  • ne pas avoir enfanté de garçon,
  • le décès ou la maladie dans l’entourage,
  • une apparition dans un rêve
  • un malheur qui frappe un village,
  • la mort d’un enfant,
  • un accoutrement hors du commun, ….

Lors d’accusation, elles ont deux choix possible. Si elles décident de rester dans leurs villages, elles mettent leur vie en danger : torturées, battues, lynchées, elles subissent les pires supplices. Les femmes âgées ou un peu isolées sont les premières visées. Si elles partent, elles devront vivre dans un camp, sans eau ni électricité toute leur vie.

Près de 1 000 femmes seraient actuellement bannies de leurs villages dans le nord du Ghana selon l’organisation ActionAid. Grâce aux organisations, certaines peuvent retourner dans leur village, mais la sécurité dans leurs communauté reste encore en suspend. «Les organisations qui nous aident à déménager doivent, maintenant, demander la permission à nos anciens voisins pour nous permettre de rentrer chez nous», a indiqué  Adisa Inifa.

Accusées de sorcellerie à tort ou à raison

Toutes ces personnes accusées de sorcellerie sont principalement des femmes, d’un certain âge. Il n’y a pas d’hommes, voir peu, et les camps pour sorciers n’existent pas.

Pour les féministes, cette stigmatisation des femmes démontrent l’incongruité de ces camps. Comme si les femmes portent en elle un gène de la sorcellerie risquant de se développer à un âge avancé.

Les accusations proférées sont difficiles à prouver matériellement, elles restent assez très subjectives, laissant – de fait - place à des dérives comme des accusations infondées. D’ailleurs de la réalisatrice Zambienne Rungano Nyoni, «I am not a witch (Je ne suis pas une sorcière)» en apporte un témoignage, si ce n’est une preuve de l’invraisemblance de ces accusations.

Les femmes accusées d’être «des sorcières» sont donc contraintes à l’exil dans des camps, où elles vivent dans la misère. Cette pratique au Ghana par exemple dure depuis plus d’un siècle. «C’est l’humiliation», «vous perdez votre dignité», expliquent ces femmes.

Le gouvernement ghanéen tente de mettre fin à ces camps, dont l’existence viendrait de la volonté des chefs de villages de bannir les dites «sorcières» pour protéger leur communauté de leurs maléfices. Il existe six zones isolées au Ghana, pouvant accueillir jusqu’à 1 000 personnes.

Le camp de Gambaga est l’un des plus célèbres. A l’intérieur, ce sont les chefs locaux qui gèrent ces structures, qui sont censés exorciser celles qui y vivent, «pour qu’elles ne soient plus des sorcières».

Les conditions de vie au camp sont très difficiles. Elles tentent de survivre au quotidien, mais doivent aussi effectuer des travaux obligatoires dans les champs et aller chercher de l’eau à des kilomètres.

L’existence de ces camps est une aubaine pour beaucoup de monde. Certains peuvent profiter seuls d’un héritage familial en se débarrassant de ceux avec qui, ils ne souhaitent pas le partager. Pour d’autres, il s’agit de mettre à l’écart les personnes âgées qui deviennent encombrant. Enfin, les gérants de ces camps, censés rendre les sorcières inoffensives, profitent, eux aussi, de leur main d’œuvre gratuite, pour subvenir à leurs propres besoins.

Condamnée quoi qu’il arrive

Samata, 52 ans a raconté son histoire à la BBC. Elle est retranchée dans un de ces camps, où vivent également sa petite sœur, sa mère et sa grand-mère, toutes bannies de leur village pour sorcellerie.

Alors qu’elle allaitait encore ses jumeaux dans son village natal, son frère l’a prévenue qu’elle était soupçonnée par des villageois de pratiquer de la sorcellerie : «J’étais confuse et j’avais très peur parce que je savais que j’étais innocente, dit-elle. Mais je sais que lorsque les gens vous accusent d’être une sorcière, votre vie est en danger. Et sans même avoir pris toutes mes affaires, j’ai fui le village».

Elle a atterri dans le camp de Kukuo. Pour sa petite sœur Sama, «ces camps n’abritent pas de sorcières. C’est avant tout un bon moyen pour les villageois jaloux et remplis de haine de se débarrasser de vous !»

Des organisations de défense des droits de l’homme ghanéenne, telles que Action aid Ghana, ont appelé aux démantèlements de ces camps. Elles tentent de venir en aide aux «jeteurs de sort» pour qu’ils puissent être réinsérés au sein de la société. Mais la tâche est loin d’être aisée. Bannies de leur village, elles refusent de retourner dans leur village, par peur des représailles. Même si la vie au camp est rude, mais au moins elles sont en sécurité.

Interrogé par le site Afrik.com, le psychanalyste congolais, Didier Manvinga Lake, «la croyance en la sorcellerie dans les sociétés africaines est avant tout un problème social».

Ce dernier a indiqué que le meilleur moyen de lutter contre l’existence de ces camps, «c’est de modifier le mode de pensée collectif de la croyance en sorcellerie. A partir du moment, où l’on enferme une femme dans un camp parce que c’est une sorcière, cela devient extrêmement dangereux. On peut aller jusqu’à tuer des gens ! Il est temps que les Africains prennent leur destin en main et cessent de se focaliser sur des croyances irréelles car la sorcellerie est un frein au développement de l’Afrique !».

Selon le psychanalyste congolais, «à cause de la peur du sorcier, l’Africain ne fonctionne qu’à 10% de ses moyens. Or, l’Afrique a aussi besoin d’hommes et femmes qui soient vrais et pas d’hommes et femmes qui vivent dans la peur !»

 

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