Expo : « J’y crois, j’y crois pas : Magie et sorcellerie »

Du 20 octobre 2017 au 1er avril 2018 a eu lieu une exposition pour entrer dans l’univers complexe de la magie et de la sorcellerie en région Bretagne. Les organisateurs tentent de répondre aux questions : quelles croyances animaient le quotidien des Bretons ? Quelle place accordons-nous dans notre société actuelle à ce qui relève d’autres pratiques hors du champ scientifique ?

Un sujet inédit

Avec ce double partenariat, régional avec l’EPCC Chemins du patrimoine en Finistère et national avec le MuCEM, le musée de Bretagne présente une exposition sur un thème peu commun: la magie et la sorcellerie.

Concevoir une exposition sur un domaine aussi sensible n’est pas chose aisée, tant le sujet a pu être analysé sous le seul prisme de la rationalité ou de la science, reléguant ces pratiques au rang des «superstitions».

S’inscrivant dans la lignée des recherches de l’ethnologue Jeanne Favret-Saada, le propos assumé de l’exposition est dès lors d’éviter tout jugement de valeur pour restituer le plus fidèlement possible un univers complexe où les causes et les effets s’entremêlent. Le but est de faire vivre au public trois expériences : donner à voir l’invisible, entendre l’inaudible et détecter le dissimulé.

Des collections exceptionnelles

Aux collections du MuCEM, qui conserve un fonds important d’objets collectés dans les années 1970-80, et du musée de Bretagne, s’ajoutent des fonds privés et publics, ainsi que des témoignages contemporains permettant d’illustrer ces phénomènes par des exemples bretons.

Un parcours aux multiples ambiances

L’introduction de l’exposition est une entrée dans l’univers de la magie et de la sorcellerie par le biais de nos représentations culturelles, qui nous amène à déconstruire les clichés qu’on associe aux phénomènes mystérieux, en particulier sur les légendes en Bretagne (lutin, elfes, etc.).

En poursuivant dans les différents espaces, le visiteur est amené à s’interroger sur ses croyances et son rapport à la magie et à la sorcellerie.

Plutôt sombre et contrastée, la première partie de l’exposition accorde une large place aux représentations et images du magique, permettant à chacun de mieux se projeter dans l’univers de la sorcellerie.

À mi-parcours, la tension est plus palpable, tons noir et blanc, rouge et noir pour signifier l’agression magique. La dernière partie offre une atmosphère plus légère et rassurante, dans des tons pastels, en abordant protection et guérison, suggérant la fin, a priori, du malheur sorcier.

Une part importante est laissée aux audiovisuels pour rendre compte de l’actualité du phénomène sorcellaire dans notre société mais aussi dans nos références culturelles (films de fiction, BD, littérature, etc.).

Un phénomène contemporain et urbain qui interroge nos certitudes

Jouer au loto un vendredi 13, passer sous une échelle… Quelle place faisons-nous dans notre société à ce que les esprits dits cartésiens appellent l’irrationnel et qui relève d’une autre culture que la culture scientifique dominante?

Dès la naissance, bonheurs et malheurs s’entremêlent dans nos vies. Nous voyons dans la bonne fortune et le mauvais sort les manifestations opposées de forces invisibles, manipulées ou non par des experts de l’insaisissable, voyants, guérisseurs, sorciers…

Lorsqu’un désenvoûteur, au service de son client, pique avec des épingles l’image d’un jeteur de sort, le fait-il pour le bien ou pour le mal ? Le domaine de la magie est celui de l’incertitude, de l’ambiguïté et du doute. Quand pratiques et rituels s’attachent à forcer le destin au gré des désirs de chacun, c’est l’intention, la bonne ou la mauvaise volonté qui dictent leur loi.

Avec le regard de l’ethnologue, l’exposition invite à se questionner sur un sujet toujours bien présent dans notre société contemporaine, près de nous, en Bretagne, comme partout en France, en s’abstenant de tout jugement, a priori, sur les phénomènes en cause.

Car s’agissant de « croyance», qui d’entre nous peut prétendre qu’il n’a jamais cru et ne croit à rien, ou à rien d’autre qu’à la science?

Magie et sorcellerie J’y crois ou pas ?

Percevoir le monde

Certains événements semblent échapper à toute explication rationnelle. Aussi, la magie fascine et interroge nos perceptions. N’est-il pas tentant de passer de l’autre côté du miroir, pour « savoir » et éventuellement y croire?

De la peinture au cinéma en passant par la littérature et la bande-dessinée, notre monde regorge de représentations de pratiques magiques… et de leurs praticiens. Mais pourquoi donc le sorcier est-il si souvent un personnage féminin à l’allure repoussante ou a contrario une métaphore de la tentatrice?

Dans ce monde complexe et caché, où se côtoient voyants et devins, sorciers et désorceleurs, voici quelques clés de lecture pour «apprivoiser » le sujet et ses codes, ses représentations et pratiques actuelles…

Les images du magique

À l’évocation du mot sorcellerie surgissent immédiatement dans nos esprits images de bûchers, d’inquisiteurs et de vieilles femmes au nez crochu. Quant à la magie, elle évoque tantôt un personnage bienfaisant, tantôt un esprit maléfique… réunis par un même don: le pouvoir de changer le réel.

Notre compréhension du fait sorcellaire est en effet nourrie depuis des siècles par un mélange de faits historiques et de légendes populaires, amplifiés et transmis par les références culturelles, religieuses et artistiques de notre société. Le Malleus Maleficarum, édité en 1487, se présente comme un véritable traité de chasse aux sorcières. Près de quatre siècles plus tard, La Sorcière de Michelet, dans une veine plus romantique, dépeint un personnage positif, une femme victime et révoltée.

Depuis le 20ème siècle, c’est le cinéma qui prend le relais de ce genre toujours très populaire : des Sorcières de Salem au jeune Harry Potter et son école des sorciers, reproduisant certains stéréotypes tout en renouvelant le genre.

Quand l’invisible fait signe

Les signes sont innombrables pour qui est attentif aux manifestations de l’invisible. «La grande difficulté, c’est de les interpréter » disait le voyant Marcel Belline au début des années 1980.

Dans la tradition occidentale, la divination s’est développée au cours des siècles à partir des astres, du tirage de cartes, des reflets ou du corps. Point de place pour le hasard: la configuration des éléments célestes ou des matériaux terrestres, à un moment donné, réfléchit nécessairement la situation des individus.

Les «coïncidences» existent-elles vraiment ? Qui d’entre nous n’a pas eu le sentiment d’étranges croisements entre les destinées ?  Cartomancien, chiromancien, astrologue… à chaque expert sa pratique pour un même but: révéler l’invisible.

Sixième sens

Voyants chez nous, sorciers-guérisseurs en Afrique et chamanes dans les cultures orientales ou américaines : ils ont la capacité de dépasser les données immédiates fournies par les cinq sens.

Dans les images perçues par les médiums, « l’œil n’a rien à voir », comme le disait un voyant à propos de ses incursions dans l’au-delà. Le « troisième œil » de la voyance, représenté traditionnellement en bas du front, relève de la métaphore: «ouvrir » ce troisième œil fait partie de l’apprentissage des médiums, qui cherchent l’accès à un état de conscience modifié leur permettant de percevoir les êtres et les choses au-delà des apparences.

La subtilité des sensations en cause, leur fugacité parfois, fait douter de leur réalité. Hallucinations ? Le danger, c’est la folie. Un tel risque explique toute l’importance des rituels dans le domaine de l’occulte. Leur répétition permet de canaliser les énergies du médium et de sécuriser le lien avec cet autre monde.

Magie blanche ou Magie Noire ?

Le don qui permet aux médiums d’accéder à l’invisible n’est ni bon ni mauvais en soi. C’est l’intention de ces derniers qui en fait des guérisseurs, des désenvoûteurs ou des sorciers. Les forces mobilisées peuvent être utilisées pour le «bien» ou pour le «mal », catégories toutes relatives selon le côté où l’on se place dans une situation de conflit.

Le désorceleur de l’un n’est-il pas le sorcier de l’autre? Il en va donc de la magie comme de toute énergie, elle fait, protège et fait vivre, ou elle nuit selon l’intention qui la guide. Le pouvoir magique permet de propager le mal ou le faire disparaître; il suit un processus basé sur la révélation du malheur sorcier et la manière de s’en défaire; à l’opposé, il agit pour d’autres à la quête du bonheur sorcier, en amour ou argent. Quant au sorcier, il dit chercher à satisfaire son client…

L’agression magique en question

En dépit du stéréotype de la sorcière, l’agresseur, porteur du «mauvais œil», a généralement une apparence tout à fait ordinaire. Il est désigné par la rumeur publique ou par un voyant, ou encore suspecté par ceux qui se sentent «pris dans les sorts ». Le malheur sorcier est révélé par un «annonciateur » qui, devant la répétition de malheurs divers, leur fait découvrir qu’ils sont ensorcelés et par qui. Il s’agit souvent d’un proche avec qui la victime est en situation de conflit.

Le désenvoûteur engage la personne visée à rechercher dans son propre environnement les supports matériels qui auraient servi à son ensorcellement: figurines piquées d’épingles, boules de plumes, ou tout autre objet incongru placé dans ses affaires. Pour assurer le transfert de l’intention maléfique, ces supports comportent souvent des fragments du corps ou des possessions de la victime. Le sorcier est censé avoir procédé au moyen de rituels divers transmis par la tradition orale et des textes de mauvaise réputation, mais les forces psychiques mises en jeu fournissent sans doute la trame la plus redoutable du drame.

«Délivrez-nous du mal»

Les victimes des sorts s’adressent tantôt à l’exorciste de leur diocèse tantôt à un voyant qui fait office de désenvoûteur. Dans cet univers inquiétant où le bien et le mal s’affrontent sans merci, seuls des personnages «forts» peuvent, sans danger pour eux-mêmes et efficacement pour les ensorcelés, s’engager dans une sorte de corps à corps avec les forces maléfiques mises en branle par l’agresseur.

Le combat contre les sorts passe généralement par la destruction des supports maléfiques et la purification de l’environnement des victimes. Ces dernières sont invitées à se doter d’objets chargés au contraire de forces protectrices et bienfaisantes, notamment ceux bénis par l’Église ou relevant du répertoire chrétien.

Mais, ces objets tirent aussi leur efficacité de l’imaginaire collectif qui s’attache à certaines formes géométriques ou à certaines substances, telle l’eau, toujours purificatrice. Amulettes et talismans, qui font office de contre-sorts préventifs et de porte-bonheurs, obéissent  à des logiques symboliques comparables.

Soigner et se soigner

Guérisseurs, magnétiseurs, leveurs de feu… s’agit-il de forces «magiques » qui soulagent les patients de maux divers sans même parfois toucher les corps, ou à grande distance? Lorsqu’il n’est pas installé comme guérisseur, le possesseur d’un don de guérison ne se fait traditionnellement pas payer: il se pense comme un simple canal entre une énergie qui le dépasse et la personne souffrante. Il soigne parfois à partir d’une photographie ou d’une lettre manuscrite.

Les saints guérisseurs, si proches du «divin médecin», bénéficient d’une forte aura, tandis que les secours accordés par l’au-delà ont fait longtemps l’objet d’exvotos. Par ailleurs, dans la prévention des maladies et la recherche de la guérison, certains objets par leur forme ou leur matériau sont crédités d’une efficacité tangible.

Les patients cumulent fréquemment divers moyens thérapeutiques à leur disposition, depuis la médecine officielle jusqu’aux démarches alternatives, en passant par les recours religieux. En dépit de l’hostilité séculaire de la médecine académique à l’égard de méthodes qu’elle considère comme «superstitieuses», les patients ne voient généralement pas de contradiction entre ces différents modes du combat contre la maladie et la souffrance. Ils recherchent «ce qui marche». L’efficacité ressentie est ici le critère majeur de leur choix.

Le «dormeur de maux»

Magie et sorcellerie donnent lieu à des histoires, des récits et des travaux anthropologiques, telles les recherches de Jeanne Favret-Saada dans le bocage de Mayenne ou les descriptions d’un monde fantastique par Claude Seignolle.

C’est avec un univers de création artistique, celui de la Compagnie de théâtre La Volige et son spectacle Les Malédictions, basé sur le collectage et la marionnette, que le parcours se termine. Il ne s’agit pas ici de donner des réponses mais de donner à voir et entendre une histoire, entre la réalité du collectage et la fiction créative: celle d’un dormeur de maux.

Scénographie et dramaturgie s’articulent autour de la notion d’ancrage dans le réel, à la lisière du théâtre documentaire, en montrant le processus de collectage: récit fictionnel, installations plastiques et moulage d’objets en plâtre, voix enregistrées, témoignages vidéo…

On y retrouve deux motifs familiers aux ethnologues : la cuisine comme lieu de l’action et la contagion magique comme fil conducteur du récit.

Dossier de presse

  • Écriture et mise en scène: Nicolas Bonneau
  • Conception des marionnettes et interprétation: Hélène Barreau
  • Scénographie et costumes : Cécile Pelletier
  • Création lumière et régie générale: Rodrigue Bernard
  • Création sonore: Fannystatic

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