« Spectres ou pas Spectres : telle était la question » par Hervé Huot

Dans un article paru dans Ethnologie française (2003/4. Vol. 33), l’auteur Hervé Huot explique que « dans l’Europe du XVIème siècle, des naturalistes, des médecins, des théologiens protestants émettent des doutes sur l’existence et l’intervention dans les affaires humaines des anges, démons et âmes des défunts ».

Son texte « Spectres ou pas Spectres : telle était la question » évoque Pierre Le Loyer, un érudit français qui « prend la défense, à la fin du siècle, des thèses soutenues par les théologiens catholiques au sujet de ces Esprits. Il propose même en 1605 d’élaborer une science relative à leur apparition dans l’imagination : il la nomme Science des Spectres. Il tente ainsi d’introduire ce thème dans les sciences humaines, qui vont prendre leur essor au XVIIème siècle, indépendamment de la théologie« .

Extraits :

Le ciel chrétien était peuplé depuis l’Antiquité gréco-romaine tardive de créatures immortelles et immatérielles. Saint Augustin, au début du Ve siècle, les avait divisées, de façon définitive, en bons anges ministres de Dieu et mauvais démons (anges déchus ou dieux survivants du paganisme)

Augustin caractérisait cette forme de vision (…) par une relation entre le regard et l’image, réelle mais non matérielle, d’un objet absent :

« […] nous l’appellerons vision spirituelle : car tout ce qui, sans être corps, est cependant quelque chose, mérite déjà d’être appelé esprit ; assurément l’image d’un corps absent, bien que semblable à un corps, n’est pas un corps, et ce regard même avec lequel on la voit ne l’est pas non plus »

Le spectre de Banquo s'invite à dîner dans Macbeth de Shakespeare (acte III scène 4). Image d'illustration wikimédia
Le spectre de Banquo s’invite à dîner dans Macbeth de Shakespeare (acte III scène 4). Image d’illustration wikimédia

Deux siècles plus tard, le pape Grégoire Ier confirmait le rôle essentiel joué par les créatures immortelles dans la vie onirique, puisqu’il divisait ce champ, de façon rudimentaire, en songes naturels (…), divins (…), ou démoniaques (…)

(…) Chez le théologien catholique du XIIIe siècle Thomas d’Aquin :

« L’ange change l’état de l’imagination, non en lui imposant une forme imaginaire que les sens ne lui ont fournie d’aucune manière ; car il ne peut faire que l’aveugle-né imagine les couleurs : mais il le fait par le mouvement local des esprits et des humeurs […] L’ange, en causant une vision imaginaire, illumine parfois en même temps l’intelligence, afin qu’elle connaisse ce que signifient ces apparences ; et alors il n’y a point d’erreur. Quelquefois l’action de l’ange ne fait apparaître à l’imagination que les images des choses […] »

(…) Les anges, bons comme mauvais, sont réputés accomplir de nombreuses actions dans le monde réel, seuls ou avec l’aide d’êtres humains, et dans l’imagination humaine.

Mais il semble que les conceptions catholiques traditionnelles relatives aux Esprits (anges ou démons) et aux Apparitions (…) soient fortement ébranlées, dans la seconde partie du XVIe siècle, par les thèses protestantes et par l’intervention dans les procès en sorcellerie de médecins convertis aux sciences de la nature (…)

 

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