Dans son article Djinns et sorcellerie dans la société swahili, Pascal Bacuez, ethnologue libéral, décrit quelques-unes des modalités de la relation à l’invisible dans la société swahili.
La possession par les djinns – dont on détaille ici les grandes familles et leurs manifestations – est abordée en tenant compte des changements récents qui ont affecté la côte swahili.
En Tanzanie, comme dans beaucoup de pays, une alliance avec le monde invisible est toujours possible.
Sur la côte swahili, elle est établie lorsque des djinns (ces génies qui permettent de comprendre l’inexplicable : infortune, maladie, échec divers, etc.) se rendent chez les hommes. Le mot « djinn » jini est générique.
Il désigne aussi bien les shetani et les mizuka. Seul le contexte permet de savoir de quel type de djinn il s’agit.
Ce dernier explique dans son essai qu’il existe deux modalités de cette relation peuvent être relevées. Dans un premier cas, la communication est établie dans les termes d’une alliance contrainte. Le djinn se présente, l’homme est possédé. On dit alors que le djinn « monte » kupanda,pour qualifier la transe qui permet de dialoguer ou d’établir une relation avec lui.
Il est possible aussi de le « faire monter » kupandisha (mot plus rare de nos jours : kupunga) ; « déterrer, creuser » kuchimbua est un verbe également utilisé pour dire qu’on appelle le djinn. D’autres expressions sont couramment utilisées : on peut « être recouvert », ou encore « habillé » kuvaa.
Certains individus, souvent plus disposés que d’autres, vont alors quitter leur état de conscience habituel et, après une phase convulsive, entrer en liaison avec ces êtres hybrides et ambivalents appelés shetani. Il faut alors les « déterrer » (ou « creuser ») kuchimbua ou les « enlever » (au sens d’extraire) kuchomolewapour sortir de l’« obscurité » giza de la transe.
Pour autant, tous les shetani ont leur mode d’expression et/ou des termes spécifiques. Parmi les mots les plus fréquemment utilisés : « l’argent » jebu ou njenjenje ; « l’enfant » nyanyie ; le « père » ou la « mère » kongovyere ; « être enceinte » kubeba kasha (porter / caisse).
Certains spécialistes disent que les djinns ont leur propre idiome pour se parler entre eux (espèce de « latin » kilatini). Dans tous les cas, les djinns ne sont jamais classés en fonction de leur rôle thérapeutique ou des relations de parenté qu’ils pourraient éventuellement entretenir entre eux.
Cette question n’est pas pertinente dans le cas de la société swahili de Kilwa. Les djinns ont une existence qui transcende les appartenances communautaires données par la parenté ou le voisinage.
Dans un deuxième cas, la puissance des djinns mizuka (pluriel de mzuka) est parfois telle qu’elle échappe au pouvoir des hommes ; de cette hybris peut naître, dans certaines circonstances, une nouvelle conjoncture, le djinn pouvant devenir complice des menées destructrices des hommes qui les manipulent à des fins sorcières. Le djinn attaque, la personne est envoûtée.
Extrait de Djinns et sorcellerie dans la société swahili
Votre commentaire