Yuka Kudo, sociologue de l’université de Tohoku Gakuin à Sendai, a recueilli pour sa thèse de nombreux témoignages de chauffeurs de taxi d’Ishinomaki, ville portuaire détruite par le tsunami de 2011. Ces derniers affirment avoir pris des fantômes comme passagers.
L’universitaire s’est demandée s’il s’agissait de visions, d’un stress post-traumatique, où de véritable phénomène paranormal.
Près de 16’000 sont mortes dans cette catastrophe naturelle. La vue des fantômes est devenue si courante, qu’il est considéré comme un stress post-traumatique. Mais des exorcistes traditionnels shintoïstes aident certaines victimes harcelées par les esprits des défunts.
A Ishinomaki, sur les 14’6000 habitants, 3’100 personnes ont perdu la vie au cours du séisme et du tsunami. Yuka Kudo a recensé 7 chauffeurs de taxis sur les 100 interrogés, qui ont assuré avoir pris dans leur voiture un passager fantôme.
L’un d’eux raconte qu’il a pris dans son taxi une femme, près de la gare d’Ishinomaki, quelques mois après la tragédie. Elle demande à être conduite dans le district de Minamisoma, entièrement rasé par le raz de marée. Le chauffeur lui dit alors « mais il n’y a plus rien de debout là-bas ! ». La réponse de la jeune femme lui glace le sang : « Est-ce que je suis morte? ». Lorsque le conducteur s’est retourné, il n’y avait plus personne sur la banquette arrière.
Un autre assure avoir conduit un homme d’une vingtaine d’années à sa destination, à l’arrivée le taxi était vide.
Les deux chauffeurs ont évoqué ces rencontres dans leur journal de bord, mettant d’ailleurs en marche leur compteur, croyant vraiment avoir affaire à des passagers. Les sept chauffeurs indiquent que les « fantômes » avaient l’air assez jeunes. « Comme si leur jeunesse rendait plus amère leur chagrin d’être trop tôt partis » estime la sociologue.
Aucun des chauffeurs de taxi ne sont traumatisé par cette expérience paranormal. « Au contraire, c’est un instant qu’ils chérissent, ils se sentent privilégiés », explique cette dernière.
Deux ans après le tsunami, les habitants le plus souvent traumatisés vivent au milieu des fantômes des 19’000 victimes de la catastrophe.
« Les lieux où les gens voient des fantômes sont ceux où le tsunami a été le plus dévastateur » a indiqué Keizo Hara, psychiatre à Ishinomaki, assurant à Reuters, en mars 2013, que « ces visions sont peut-être une projection de la terreur et des angoisses associées à ces endroits« , pour ce dernier, il s’agit surtout de stress post-traumatique.
Mais les personnes interrogées par l’agence de presse, Reuters, laissent penser qu’il ne s’agit pas de stress, ni d’hallucination.
« Par deux fois, alors que j’étais allongé dans mon lit j’ai senti quelque chose marcher sur moi, s’appuyer sur mon torse » a indiqué Shinichi Yamada à Reuters. Sa maison a été détruite, elle vit depuis deux ans dans un préfabriqué.
Face à l’impuissance des psychiatres et à l’ampleur des phénomènes beaucoup font appel à des exorcistes, pratiquant des « purifications spirituelles » dans la tradition shintoïste.
Exorciste, Kansho Aizawa, une femme âgée de 56 ans, a dit avoir vu des spectres « sans bras ou sans jambe, d’autres sans tête et même certains coupés en deux ».
« Les gens ont été tués de tant de façons différentes lors de la catastrophe et ils ont été laissés comme ça dans les limbes. Il s’agit d’un lourd tribut pour nous, car nous les voyons comme ils étaient quand ils sont morts« , a indiqué cette dernière.
Elle explique que dans certains endroits détruits par le tsunami, les gens ont assuré avoir vu des apparitions fantomatique, en file d’attente hors des supermarchés, détruits.
Face à la recrudescence des phénomène paranormaux et des expériences vécues par les chauffeurs de taxi, beaucoup évitent les districts les plus touchés par peur de prendre un passager fantôme.
« Au début, les gens sont venus ici pour trouver le corps des membres de leur famille. Ensuite, ils ont voulu savoir exactement comment cette personne est morte, et si leur esprit était en paix« , a indiqué Aizawa. Au fil du temps, les demandes des gens ont changé, « ils ont commencé à vouloir transmettre leurs propres messages aux morts« .
De son côté, le révérend Naoya Kawakami a expliqué au quotidien The Australian que « les gens voient des yeux dans les ténèbres de la nuit. Ils ont l’impression que quelque chose attend dehors. Ils entendent des voix et aperçoivent des spectres marcher sur la plage ».
Pour ce chrétien convaincu, ces visions sont une conséquence d’une douleur muette. Une idée partagée par Yozo Tamiyama, moine bouddhiste, qui évoque le stoïcisme des Japonais lors de la catastrophe, qui s’est finalement transformé en torture mentale : « ils ne se sont pas autorisés à pleurer et ils n’ont pas compris qu’au fil du temps leur tristesse se muait en colère et en désespoir ».
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